Joie de pouvoir bientôt redécouvrir un chef d’oeuvre de Jean Eustache

20 janvier 2022 par - cinébloginfo

Bonne année à toutes et à tous ! Il est d’usage d’introduire ce blog par des vœux adressés aux auteurs et autrices, ainsi qu’à tous les membres de la SACD, sans oublier le personnel. Une année sereine et enrichissante, pour chacun et chacune.

Pour commencer, rendons hommage aux morts, l’oubli étant ce qu’il y a de pire pour des artistes. A Jean-Jacques Beineix, l’auteur de Diva, La Lune dans le caniveau et de 37°2 le matin, œuvre iconique marquante des années 80 s’il en fut, mort à l’âge de soixante-quinze ans. A Michel Subor, acteur trop discret mais à la forte présence, personnalité attachante découverte au tout début des années 60 par Roger Vadim dans La Bride sur le cou, avec Brigitte Bardot, et surtout par Godard dans Le Petit soldat, réalisé en 1961, quelque temps interdit à la demande d’un député qui se nommait… Jean-Marie Le Pen, le film traitant de la guerre d’Algérie et de la torture exercée par l’armée française.

Michel Subor était également la voix off de Jules et Jim de François Truffaut, une voix chaude et rapide, parlant à la quatrième vitesse. On retrouve Subor dans L’Étau d’Hitchcock, parmi d’autres acteurs et actrices français, Dany Robin, Michel Piccoli, Philippe Noiret et Claude Jade. Sa carrière connaît des hauts et bas, mais il faut signaler sa présence dans deux films de Gérard Blain, cinéaste à redécouvrir, mort en 2000 à l’âge de 70 ans : Le Rebelle (1980) et Ainsi soit-il (2000), auteur d’une poignée de films, tous singuliers. Claire Denis relance la carrière de Michel Subor en le dirigeant dans Beau travail en 1999, puis L’Intrus en 2004, White Material en 2009 et Les Salauds en 2013. Je n’oublie pas son apparition dans le beau film de Philippe Garrel, Sauvage innocence, coécrit avec Marc Cholodenko et Arlette Langmann. Notons au passage que Subor a joué dans un film à la fois mythique et invisible, perdu semble-t-il, l’unique film réalisé par Paul Gégauff intitulé Le reflux, tourné en 1965, dont on espère retrouver la trace un jour. Gégauff fut le scénariste de Rohmer et de Chabrol, inspirateur de plusieurs de leurs films, sous le côté dandy de droite, pour aller vite.

Enfin, hier l’annonce brutale de la disparition de Gaspard Ulliel, due à un accident de ski en Savoie, acteur jeune et talentueux, à la beauté d’ange, à la fois séduisant et secret. Il avait déjà derrière lui une belle carrière, à la télévision comme au cinéma, dans des films d’auteurs – de André Téchiné à Bertrand Bonello, en passant par Bertrand Tavernier, Jean-Pierre Jeunet, Rithy Panh, Benoit Jacquot, Brigitte Roüan, Guillaume Nicloux, Xavier Dolan, Pierre Schoeller, Emmanuel Mouret ou Justine Triet. Il venait d’achever une série pour Disney, Moon Knight, que nous découvrions cette année, ce qui nous fera ressentir plus fortement encore la profonde tristesse que nous ressentons à l’annonce de sa disparition. Gaspard Ulliel n’avait que 37 ans.

« Il fallait sauver l’œuvre de Jean Eustache », lit-on en gros dans Le Monde daté du 21 janvier 2022. La phrase est de Charles Gillibert, producteur de films (CG Cinéma : tout récemment Annette de Léos Carax, Bergman Island de Mia Hansen-Love), et nouveau président des Films du Losange, la société de distribution créée en 1962 par Éric Rohmer et Barbet Schroeder, longtemps et jusque très récemment dirigée par Margaret Menegoz. Charles Gillibert s’est associé à Alexis Dantec et Jacques Veyrat, pour racheter cette société indépendante dont le catalogue est connu du monde entier – il comprend non seulement toute l’œuvre de Rohmer, mais également des films d’autres cinéastes tels que Jacques Rivette, Michael Haneke, Andrzej Wajda, Barbet Schroeder, Jean-François Stévenin, entre autres. Et Jean Eustache.

La bonne nouvelle, apprend-on en lisant l’entretien paru dans Le Monde, c’est que La Maman et la Putain, le plus célèbre des films réalisés par Jean Eustache, va enfin faire l’objet d’une restauration numérique, Charles Gillibert ayant obtenu l’accord de Boris Eustache, l’ayant droit et fils du cinéaste. Cela faisait des années, voire des décennies que ce film était introuvable en DVD, sauf, en cherchant bien, dans une édition japonaise. Les droits étaient bloqués, malgré plusieurs tentatives de trouver un accord, toutes ayant échoué. C’est une bonne chose de savoir qu’il sera bientôt possible de redécouvrir ce film essentiel de l’œuvre d’Eustache, l’un des plus importants du cinéma français de ce dernier demi-siècle. D’abord à l’occasion d’une ressortie en salle, puis sur un support numérique. La Maman et la Putain avait fait scandale lors de sa projection officielle au Festival de Cannes en 1973, la même année que La Grande Bouffe de Marco Ferreri. Ingrid Bergman, qui présidait le jury cette année-là, fut paraît-il choquée par ces deux films, ce qui n’empêcha pas La Maman d’obtenir le Grand Prix Spécial du jury, la Palme d’or allant ex aequo à L’Épouvantail (Scarecrow) de Jerry Schatzberg et La Méprise (The Hireling) d’Alan Bridges. Un palmarès fait de compromis, semble-t-il. On se réjouit de pouvoir revoir, et pour beaucoup de jeunes spectateurs ou spectatrices, de découvrir sur grand écran, ce film, avec Jean-Pierre Léaud, Françoise Lebrun, Bernadette Lafont et Isabelle Weingarten. Il avait très fortement marqué son époque, et s’est inscrit dans l’histoire de notre cinéma. Par sa langue incroyable, et par sa vérité à la fois poétique et documentaire.

Commentaires (1)

 

  1. De beaux hommages au cinéma français avec beaucoup de films qu’on a envie de redécouvrir, à commencer par l’œuvre complète de Jean Eustache. Je vais m’empresser d’acquérir « Mes petites amoureuses », l’un de mes films préférés dans lequel Maurice Pialat fait une savoureuse apparition.
    Je me souviens de cette œuvre étrange et inédite « Le reflux », mélange de film métaphysique et d’aventures, diffusé il y a longtemps sur l’ancienne 2ème chaîne, je devais avoir 12 ou 13 ans. Le festival d’Amiens l’avait programmé en 2014. Je crois que Gégauff n’avait jamais eu les droits du livre de Stevenson dont il est adapté, raison de son blocage.

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